C’était frustrant. Le calme de la petite ville qu’était Innocent-Bourg était frustrant. Il n’y avait pas un bruit, à peine une automobile qui passait de temps en temps. Les jardins étaient bien entretenus, les maisons adorables à souhait. Et Clove était là, plié en deux au milieu de la rue à souffler avec la vivacité et la discrétion d’un aspirateur. Il faisait tâche dans le paysage de la petite ville parfaite à la Desperate Housewife mais pour le moment c’était bien le cadet de ses soucis. Celui d’en vouloir à Innocent-Bourg d’être aussi tranquille alors que lui était complètement paniqué aurait aussi du l’être. Cette ambiance tranquille était insupportable. Il s’attendait presque à voir surgir les habitants de leur maison, entonnant une chanson de Disney joyeusement. Clove enleva le blazer de son dos. Il faisait beaucoup trop chaud pour porter un truc pareil. Connerie d’uniforme. Il marmonna une injure à l’adresse de St-Gregorian, reprenant son chemin tout de même plus tranquillement. Ceci pour deux raisons, la première étant qu’il était suffisamment fatigué, ses jambes menaçaient déjà de se dérober sous son poids à chaque pas qu’il faisait, de plus il risquait seulement de se mettre à vomir et à faire une crise d’asthme (oh souvenir douloureux de sa première année de collège ou il daignait encore se montrer aux cours de sports). La seconde était tout simplement qu’un gamin avec l’uniforme de St Gregorian qui court comme un dératé dans un petit bourg tranquille comme celui-ci ça n’a rien de très discret. Puis il devait avoir quand même une certaine avance sur le quelconque pion qui était à ses trousses (Clove n’avait pas eut la politesse d’attendre pour voir qui serait celui qui viendrait essayer de le récupérer).

Depuis une semaine il était dans cet internat de taré. C’était bien la première fois qu’il était dans un milieu ‘scolaire’ (non, scolaire n’était pas le mot approprié) mixte. Cela dit ça l’importait peu, garçons et filles lui faisait le même non-effet. Mais les uniformes lui donnaient déjà la nausée. Pourtant il s’était tenu tranquille durant cette première semaine, ne souhaitant pas se faire remarquer plus que cela les premiers jours histoire de retrouver ses repaires pour ensuite faire un petit numéro de m’as-tu vu. Il avait sauté ledit numéro pour tout de suite passé à la phase « Partir rapidement et trouver un moyen de rappeler les parents ». Clove avait pour le moment eut quelques punitions pour avoir eut l’audace de porter son uniforme avec les manches retroussées et les boutons de son cols détachés. Il avait été étonné de voir que peu des adolescents faisaient de même. Dans ses anciens établissements il n’était pas surprenant de croiser au détour d’un couloir un garçon avec une cravate un peu lâchée. Le plus flagrant était dans les écoles réservée aux jeunes filles, les demoiselles remontaient leur jupe jusqu’à la poitrine (si elles avaient put ses petites aguicheuses les auraient surement enroulées jusqu’aux aisselles) pour montrer leurs gambettes, baissaient leurs chaussettes et bien entendu ouvrait leur col et dès que l’ombre d’un professeur se dessinait au détour d’un couloir, elles s’empressaient de se rhabiller correctement. Ici c’était impossible, des adultes leur collaient au cul toute la journée et styliser son pyjama n’avait rien de follement excitant.

Clove se passa une main dans les cheveux. Cheveux incroyablement épais qu’il ne pouvait pas dissimuler sous un couvre chef quelconque à son plus grand damn. De toute façon pour le moment ils se collaient surtout à son front à cause de sa transpiration. Il devait surement faire peine à voir, rouge, dégoulinant de sueur (c’était du moins l’impression qu’il avait) et encore à tenter de reprendre sa respiration, maudissant intérieurement tout ce qui avait le malheur de passer sous ses yeux. Il fallait qu’il se planque quelque part. Clove se remit à courir, plus calmement cette fois. Le commissariat était une mauvaise idée bien qu’à première vue c’est ce qui semblait le plus sensé. Mais d’après certains témoignages qu’il avait réussit à recueillir la police s’empressait de rendre les gamins qui venaient se trainer à leurs pieds à St-Gregorian. Bien. Dans un endroit ou il y avait du monde et ou faire un scandale pourrait attirer l’attention des personnes autour. Il y aurait bien quelqu’un de sensé pour venir en aide à un pauvre ado malmené par un adulte si on le rattrapait (mais les témoignages disaient aussi qu’ils rattrapaient toujours les fuyards, toujours –ne pas penser à ça, ne pas penser à ça) ; ou alors une personne pour lui prêter son téléphone. Appeler ses parents pour leur dire de venir le récupérer sur le champ était devenue une idée fixe depuis peu. Il avait simplement besoin de les contacter et ensuite on pouvait bien le récupérer, ce n’était pas important. Cette idée enleva un peu du lourd plomb qui semblait avoir prit place dans son estomacs depuis qu’il avait l’intention de partir et qu’il planifiait son escapade. Il accéléra légèrement le rythme de sa course. Il n’avait aucune idée de l’endroit où il allait (eh non, des visites guidées n’avaient pas été organisées encore) mais ce n’était pas une grande ville et il ne tarda pas à arriver devant ce qui semblait être un centre commercial. Un petit centre commercial. Tant pis, ça ferait l’affaire.

Sous le zénith de midi, Percy rôtissait, clope au bec, vieux sandwich entre les doigts. Pas âme qui vive. Seulement lui, le silence, la lourdeur de l’été et les corbeaux qui venaient se repaitre des restes du chat mort au milieu de la cour. En bonds hésitants, ils s’approchaient de la carcasse pourrissante et grattaient quelques portions de viande avant de s’envoler prudemment loin de Percy avaler leur bout et revenir avec la même vigilance. Le garçon observait leur ridicule manège, arrachant des bouts de son pain entre ses dents quand son estomac le rappelait à l’ordre. Il regarda sa montre. Midi vingt-cinq. Cet après-midi, il accompagnerait un groupe de pensionnaires au village. Le mini-bus tardait à arriver. On lui avait dit onze heures et demie. La zone était à des lieues de la civilisation. Les voitures tombaient très régulièrement en rade sur la vieille route. On prévoyait un peu d’essence dans le coffre. Précaution oblige. Lorsqu’un problème intervenait sur le voyage, les adolescents avaient la fâcheuse tendance à vouloir se tirer. Percy ne s’occupait que rarement des transports. Percy ne sortait que rarement de St-Gregorian, de toute manière. Son mégot fusa sur le béton de la cour, la cendre voltigea et le cylindre termina de se consumer pendant qu’il croqua dans la dernière bouchée de son repas. La dépouille avait le ventre ouvert, invitation bienheureuse à tous les charognards du coin. Les pattes écartées dans une position lubrique, les mouches en bataillons au-dessus de ses tripes, la mâchoire disloquée et les orbites vidés, les oiseaux continuaient de picorer dans la chaire de l’animal épluché. Sur cette captivante image, Percy se releva, long bâillement du fond de sa gorge, étira haut ses bras et observa une nouvelle fois sa montre. Moins le quart. Les volatiles s’enfuirent.
Ce qu’il y a d’étrange avec les nouveaux pensionnaires, c’était l’évolution de leur comportement à St-Gregorian. Si beaucoup se soumettaient aux traitements millénaires des surveillants, faisant cent fois leurs preuves par le passé, les silencieux étaient les plus vicieux. Ils se taisaient, baissaient gentiment la tête en attendant de peaufiner leur plan dans la plus grande discrétion. La poche de Percy vibra. Un SMS. Ou plusieurs. Un dossier entier. Clove Van Tassel. Pas grand-chose à dire, il est arrivé récemment. Percy assimila sa mission et comprit que la balade en ville était reportée à un jour meilleur. Il enfourcha son fusil, brandit la clé du 4x4 et se mit en route. Si on l’avait perdu à la lisière de la forêt, les gosses n’allaient jamais bien loin. Au village, on connaissait les conduites à adopter dans ces situations. S’il se rendait dans le petit patelin, c’était avant tout pour être sur place si le commissariat appelait. C’était encore le cas le plus probable. Percy alluma la radio. L’antenne grésilla un moment avant de trouver une station instable. I've got all my life to live; i've got all my love to give; and i'll survive; I will survive. L’air connu, les paroles coulèrent toutes seules dans un joyeux beuglement. Une ou deux heures de trajet à peine.

Quelques musiques et publicités plus tard, le panneau de la ville s’afficha sous l’ondulation de l’horizon. Pénétrant la zone urbaine, Percy tournait au hasard le volant sur les routes, posa le visage du gamin sous le nez de quelques passants et désespéra de recevoir un message du centre. Il passa par le poste de police et déposa la photo du gosse Clove auprès des agents. Le minimum syndical lorsqu’on se met à la recherche d’un fugitif. Parfois, il pensait qu’une truffe canine serait un avantage précieux dans ce genre de situation. Il ressorti du bâtiment en cherchant de quoi passer le temps. Il laissa le véhicule quelque part à l’ombre et entama une promenade de santé. Causa à une gamine sur un banc, flâna entre les rues et finit par trouver de quoi faire passer le temps du côté du centre commercial. A l’angle d’une galerie, il avait perdu quelques dollars dans un café et s’était trainé le long des boutiques. Avait suivi deux adolescentes qui gloussaient timidement. Elles se retournaient régulièrement pour voir si le gars leur courrait toujours au train et s’amusaient de la situation. Percy s’en lassa rapidement et bifurqua vers d’autres chemins.

Une chevelure poisseuse au loin lui fit de l’œil. Le pantalon et le reste de l’uniforme aussi. Il vérifia la photo de l’enfant et toisa dans l’ombre le gamin agité d’une panique coupable. Clove était vraiment un prénom à coucher dehors. Et le comble était qu’il avait certainement la poisse pour avoir trouvé refuge là où Percy trainait. Il passa la main dans son dos et pris la crosse du revolver. Par une heureuse providence, l’habitude voulait que les membres du personnel soient toujours armés. Il se déplaça discrètement derrière le gamin et glissa une main ferme dans son dos, braqua secrètement le canon de son arme sur sa colonne. Percy se pencha aimablement à son oreille, un sourire chaleureux aux lèvres.

Ne bouge pas. Ne crie pas. Aucun geste brusque ou je te perfore l’estomac. Quelques doigts coulèrent vers sa nuque et de la force d’un bras, il invita Clove à le suivre. Tu sais quoi ? J’ai envie d’être gentil. On va s’installer tranquillement, toi et moi, quelque part pour discuter, d’accord ? Ok.

Il arracha son vieux mobile de sa poche et composa un numéro. Allô ? C’est bon, j’ai le gamin avec moi. Quelques instructions données, il raccrocha. Chercha un coin tranquille, sa main à nouveau libre caressant sa tête humide de sueur. Il trouva son bonheur dans les toilettes publiques. Le pressant d’un à-coup violent, il lui intima de venir.

Pour ce qui était d’éviter tous mouvements brusques et de rester silencieux c’était un bel échec. Clove sursauta en sentant la présence du nouveau venu, laissant échapper un cri de surprise qui s’envola dans les aiguës, sautant trois octaves. Putain de merde. S’il avait été cardiaque il aurait certainement été sur le sol en train de convulser à l’heure qu’il était. Mais il n’en fit rien et tenta de réguler une fois de plus sa respiration qui avait accélérée brusquement, se tendant ostensiblement sous le contacte du pion qui empestait la cigarette. Clove ne tenta pas d’essayer de renifler l’odeur de la nicotine –il était en manque terrible depuis son arrivée à St Gregorian, bien trop effrayé par le type qui venait de surgir de nulle part. Un chapelet de jurons défila dans sa tête alors qu’il acquiesçait frénétiquement à la suite d’ordre qu’on lui susurrait à l’oreille. Au moins il ne pouvait pas dire qu’il n’avait pas été prévenu. Clove se pinça légèrement la lèvre inférieure, incapable d’esquisser un autre mouvement. Il sentait son cœur s’emballer dans sa poitrine et ses jambes à tout moment allaient le lâcher. Clove ferma les yeux, inspira deux-trois fois. Il se crispa un peu plus sous ses mains, grimaçant. Il laissa échapper un bref soupir sarcastique à la question rhétorique du pion suivit d’un « Ok » marmonné dans sa barbe. Étrangement l’arme donnait beaucoup plus de contenance et d’autorité à l’homme à ses côtés. Ça en donnait beaucoup plus à n’importe qui.

Le surveillant entama une discussion au téléphone et Clove leva enfin la tête vers lui. Sa tête de petit lézard drogué collait parfaitement avec sa voix à la tonalité qu’il trouvait désagréable (bien que peu de personne pouvait se vanter de trouver quoi que ce soit d’agréable chez un homme qui les menace avec un flingue). Percy Machin. Clove avait dût le croiser à plusieurs reprises dans les couloirs de l’internat et avait entendu les rumeurs qui lui collaient au train. D’après un bon nombre de ses petits camarades qui daignaient lui parler ce type était tout simplement un grand taré. Il fallait se méfier de lui tout bêtement. Clove continua de le fixer silencieusement. Il n’avait pas l’air si terrible que ça. Forcément, son arme montait au moins à 74% son taux de terribilité. Dans un moment de jugeote qui était plus que le bienvenue dans un scénario comme celui-ci, Clove opta pour rester docile et obéir aux ordres, même muets, entrant dans les toilettes publiques.

Bordel. Une discussion dans des toilettes ? Ça risquait d’être prometteur. Clove s’avança de quelques pas dans la pièce, s’éloignant subrepticement de Percy. Il glissa nerveusement ses mains dans les poches de son pantalon dans laquelle il trouva un vieux morceau de papier qu’il se mit à tripoter pour s’occuper. Clove jeta un coup d’œil à l’endroit. C’était vide et ça dégageait une odeur immonde qui lui prit à la gorge. Il déglutit difficilement. Au moins s’il vomissait il aurait des cuvettes à disposition. C’était sûrement ce qui allait se passer si ça continuait. Une bestiole s’amusait à lui bouffer les entrailles, creusant des tunnels dans son bide, faisant bouger tous ses organes. Ça remontait dans son gosier. Il allait vraiment gerber s’il ne se calmait pas tout de suite. Après tout qu’est-ce qui pouvait se passer ? Le mec allait le sermonner puis ils retourneraient à St Gregorian. Clove observa la glace qui prenait une bonne partie du mur au dessus des lavabos. Non, il n’avait pas vraiment envie de retourner là-bas. Il fallait qu’il récupère un téléphone. Percy avait un téléphone. Mais Clove doutait que s’il lui demande celui-ci accepte de le lui passer et il n’avait rien du tout pour pouvoir tenter de l’assommer ou autres actions débiles malgré son arme. A la limite il pouvait tenter de l’étouffer avec du papier toilettes. Certes il agoniserait sur le sol, l’estomac troué par ses balles mais avant de crever il aurait la satisfaction de le voir la bouche pâteuse et asséchée.

Clove se détourna du miroir pour aller prendre du savon. Il n’y en avait plus, ça n’avait rien d’étonnant. Il alla tout de même se passer les mains sous l’eau. Ça n’avait rien de vraiment très utile de mouiller ses bactéries, mais s’occuper ainsi lui donnait l’impression de pouvoir réfléchir plus posément et chasser l’épais brouillard qui semblait tourbillonner dans son cerveau. Il essuya négligemment ses mains sur son pantalon avant d’enfiler son blazer. Il leva les yeux vers Percy. C’est pas très chrétien de pointer une arme sur quelqu’un.

Il ferma la porte derrière lui. La crainte qu’on ne l’interrompe avait de ça pour le faire réfléchir. De sa poche, il tira quelques bricoles. Une petite pince à cheveux rose et des épingles. Il chercha dans sa mémoire quelque chose qui y ressemble. La gamine à qui il retira ces frivolités n’avait pas de visage. Il voyait juste ses cheveux blonds, couverts de paillettes, de trucs et de bidules féminins. Quelques mèches carmines et un regard injecté, dégoulinant de mascara. Il jeta la pince et trafiqua la serrure de la porte. Clic. Il força un peu la poignée et une fois assuré qu’elle resterait fermée, se tourna vers le gosse. Si ce ne fut la pupille sévère et son attitude désabusée, Clove était un bout d’homme à peine pubère qui semblait sur le point de se briser en deux. Il dominait d’un ou deux centimètres. La proportion était bonne, d’ici quelques jours, il perdrait la masse réglementaire. Percy sourit et releva le pistolet.

A genou et prie. Comme le jeune venait d’arriver, comme il n’avait pas reçu la sainte éducation de l’abbaye, il lui ordonna de répéter après lui. Mon Dieu, j’ai un très grand regret de vous avoir offensé …

Entre chaque morceau, le surveillant l’interrogeait. Attendait que Clove le suive pour lui demander où il habitait, combien de temps il était là. Pourquoi il s’était enfui. S’il était puceau. Combien de frères et sœurs. Tu as des amis, mon grand ? Une copine ?

… Et de faire pénitence. Amen. Amen.

Percy recula légèrement. Rangea son arme à sa ceinture et ferma le zip de sa veste. Un reniflement sourd et gracieux s’éleva dans le cliquetis du robinet qui s’égouttait. Il prit son élan, le râle de son effort ricocha sur les murs des toilettes. Percy percuta la pointe de sa botte contre l’estomac du garçon. Petit con. Il s’écroula au sol, Percy profita de l’instant pour s’installer sur son bassin et lui arracher son blazer et sa chemise. De sa seconde poche, il dégagea un paquet de clope et un briquet. Alluma la cigarette et cracha une volute grise et vaporeuse. D’humeur généreuse, il se pencha en avant et enfonça le mégot entre les lèvres de Clove. Aspires, je sais que t’aime ça, connard.

Ca fait une semaine que tu es à St-Greg, hein. Tu as eu l’occasion de voir ce qu’on fait aux gosses qui se barrent, comme toi ? Non. Bien sûr. Qu’est-ce que je vais te faire à toi ? Mmh ?

Il attrapa ses cheveux encore soyeux du jeune profane et souleva à lui en arracher la nuque. Il feint la réflexion et tira une nouvelle fois sur sa cigarette. Soupira d’aise et recala le cylindre entre ses doigts. Du morceau incandescent, il caressa le dos nu de l’adolescent. Pencha l’oreille à ses plaintes et ralluma la clope. Parait que ça brûle. Soudain animé d’un ricanement goguenard, il gratta le silex de son briquet et expérimenta la sensibilité thermique de Clove. Chaud. Froid. Chaud. Percy précisa que ça laissait de drôles de marques. Comme n’importe quelle viande. La peau prenait des couleurs vives sous la chaleur de la flamme. Il s’amusa à dessiner des formes sur son dos pendant qu’il frottait de son autre pouce les zones brûlées. De la peau morte se détachait déjà par endroits. Il éteignit le briquet. Balaya son dos de la chair pellée et se releva, portant Clove par les épaules. Colla l’objet dans la main du garçon et ressortit son arme. Il recula, l’arme de nouveau en joug.

Tu as compris le système ? Tu vas te faire pénitence tout seul. Comme un grand. Dépêches-toi.

Il vérifia sa montre et lui donna l’ordre. Les épaules, les bras, le bide. Ce que tu veux. Percy regrettait sa caméra.

Les doigts de Clove glissaient sur le briquet alors qu’il tentait de l’allumer. Il reniflait bruyamment, tentant de réguler sa respiration saccadée et irrégulière. Putain, il n’arriverait jamais à allumer cette connerie de briquet de merde. Clove s’essuya d’un revers de manche (qu’il n’avait pas) les yeux. Son dos lu i faisait un mal de chien, ce qui était normal après tout. Son estomac aussi. Il avait envie de gerber. Clove leva des yeux timides de lapin prit dans les phares d’un camion sur l’autoroute vers Percy, ayant perdu toute assurance (qu’il n’avait eut que quelques secondes d’ailleurs). Adieu la contenance, oubliée la fierté. Il tenta d’allumer le briquet encore une fois mais sans succès.

Pourquoi tu veux l’allumer ? Parce que Percy l’avait demandé, il n’avait pas le choix. Percy avait quand même une arme pointée dans sa direction. C’était la première fois qu’il avait une arme pointée sur lui tiens. Est-ce que c’était normale d’avoir une pensée pareille en étant aussi serein intérieurement ? Il oublie rapidement la sérénité quant il se rappela qu’une arme ne se pointait pas toute seule sur quelqu’un et qu’ici c’était un petit psychopathe qui la tenait. Sale con. Oui, pour être un sale con c’en était un. Judicieux choix de mot. Clove fit une énième tentation pour allumer le briquet malgré ses doigts tremblants. Une petite flamme jaillit, mais seulement pour quelques millième de secondes avant de s’éteindre. Tu veux l’allumer pour te cramer toi-même la gueule, c’est ça ? Parce que penses vraiment que tu auras les couilles de le faire ? il n’avait pas le choix. Qu’est-ce qu’il pouvait faire ? L’option du papier toilette ne lui tendait plus les bras, il n’aurait jamais le temps de lui enfoncer un rouleau dans le gosier sans se faire trouer le bide. A la façon d’un buveur invétéré il tituba légèrement en voulant se redresser et se cogna contre la porte d’une des cabines de wc qui s’entrebâilla, dégageant une odeur nauséabonde. Pourquoi toutes les chiottes avaient une odeur de merde ? … Présenté comme ça, ça semblait assez logique. Soit. Dans un sursaut Clove avança d’un pas. Le briquet lui échappa des mains. Il sentit son ventre ce vider de ses organes tout en ayant l’impression d’avoir un énorme poids qui lui pesait sur le dos. Il voulait se mettre à hurler, mais ça ne risquait pas de l’aider. Et de toute façon il était incapable de dire quoi que ce soit. Clove se pencha pour récupérer le petit objet, cause de la plupart de ses malheurs actuels.Dire qu’à une certaine époque la pire chose que ça pouvait t’apporter c’était un cancer des poumons et des dents jaunes. Il se releva, laissant échapper un gémissement de douleur. Pour son dos, pour son ventre, pour la fatigue, pour tout. Mais surtout pour son dos à bien y réfléchir.

Clove n’avait jamais été réputé pour sa grande intelligence. Du moins pas une intelligence à long terme. Il agissait plutôt sur des coups de têtes, à l’image des animaux qui réagissaient par instinct. Or les animaux avaient tendance à se faire tuer assez rapidement par les êtres humains, même de base.

Le garçon recula d’un bon, s’enfermant dans la cabine des toilettes avant de refermer le verrou. Il grimpa sur la lunette des toilettes. Il y avait une petite lucarne au dessus des wcs. Il lui suffisait de l’ouvrir et de passer de l’autre côté. Heureusement il était loin d’être gros, ayant gardé le gabarit crevette. Clove frappa contre le verre, mais une gamine de cinq ans aurait eut plus de succès que lui. Tu tapes comme une fille. Et encore, c’était flatter son égo. Clove essaya de taper un peu plus fort mais ce fut un échec. Il glissa, son pied atterrit dans les toilettes dans un ‘plouf’ gracieux. Clove n’eut pas la force de lâcher un juron. Au moins le mec qui a posé son cul ici a tiré la chasse d’eau, tu as de la chance dans ton malheur. Restons optimiste. Clove redescendit par terre, se mordant les lèvres pour ne pas se remettre à pleurer comme une gamine. D’une voix étranglée il présenta un semblant d’excuses à travers la porte.