Ha le plein air, ça fait du bien. Bien que je n'ai pas de narines et que je ne peux pas marcher, j'avoue que je me sens bien pour toi Coddy. Un peu de temps libre, une petite cachette dans un coin... Bon, ok c'est un peu à l'étroit derrière ce pans de mur et cette cabane à outils MAIS c'est sympa... Pour une fois que tu fais pas de connerie j'ai envie de dire, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes hein ? Bon, l'odeur d'engrais, c'pas mon truc, je vais te le dire tout de suite. Si j'étais un humain, je serais BIO, carrément... Fertilisation avec le caca des vaches et tout ça, nature power et tout le tralala. Bon, tu dois t'en foutre de ce que je dis hein ? Hein ? Coddy... Tu regardes quoi ? Cod... Haha ! Je vois ! Elle est jolie c'est vrai !

Se penchant en avant pour le mieux la voir derrière une plantation, il manqua de se retrouver le nez dans la terre. Il rangea Marguerite, son bouton, et se leva. Il remarqua soudainement qu'il avait de la terre plein les genoux. Il s'essuya du mieux qu'il pouvait avant de réfléchir à quelque chose à lui dire. Il ne trouvait pas. Coddy avait pourtant entendu pleins de garçons parler, son frère, sa sœur qui parlait de garçons... Il avait regardé la télé et lu quelques livres mais rien ne lui venait sur la manière de bien parler avec une fille. Finalement, quelque chose lui attira le regard. Une petite marguerite, qui semblait lutter dans l'interstice de deux pavés, à peine les pétales sorties entre les deux grosses pierres. Il se pencha et la cueillit. Pataud comme d'habitude, il commença à esquisser quelques pas vers la jeune fille avant de s'arrêter.

Non, je peux pas faire ça. Non, je sais pas quoi dire. Ca va l'ennuyer. La fleur est jolie, très jolie. Mais elle doit avoir d'autres fleurs peut être. Alors celle-ci ne sera peut être pas jolie pour elle. Ce serait dommage car elle est vraiment très belle. Comme elle. Je peux lui dire ça peut être, ou pas. Je ne sais pas bien ce que ça aime les filles. Si j'avais pu j'aurais amené des gâteaux, les gens aiment les gâteaux...

Bon Coddy, tu fais quoi là ? Tu attends de prendre terre et de te faire arroser comme une tomate ou quoi ? Vas-y !

Il fit un pas en avant avant de se bloquer une seconde fois. Puis il se ravisa. Enfila la margueritte dans sa poche et fit marche arrière avant de stopper une nouvelle fois. Ho et puis merde ! Il allait le faire. Rouge comme une pivoine, il s'approcha finalement de la jeune fille et lui tendit la Marguerite qui, déjà pas super en forme au départ, avait vraiment une tête à faire peur. Il articula finalement « C'est une... Fleur car... Grmpff... Belle ! » Bon, ce n'était pas exactement ce qu'il voulait dire mais les principaux mots étaient sortis. Pas sûre que la jeune fille en question comprenne mais c'était l'intention qui comptait.

St-Gregorian était un établissement plutôt grand mine de rien. Alison qui débarquait à peine ici s'amusait encore à en explorer les moindres recoins. Ce jour là elle s'aventura dans l'arrière-cour et y découvrit les jardins où s'exerçaient les élèves ayant choisi cette section. Mais à cette heure là les alentours étaient vides et la jeune fille pu s'y promener sans rencontrer personne. Elle avait un jardin chez elle, mais c'était un monsieur payé pour qui s'en occupait de temps en temps à l'aide d'un gros engin qui faisait un bruit de moteur. Cela lui cassait les oreilles à chaque fois et elle en avait tiré la conclusion qu'elle n'aimait tout simplement pas les jardiniers. Mais à présent qu'elle était seule devant ses jolies fleurs parfumées qui ne soufflaient pas un son, elle se sentait plutôt paisible et joyeuse. Alors elle décida de s'essayer à la jardinerie. Pour ce faire elle se munit d'un râteau trouvé dans une cabane en bois puis commença à gratter la terre. Les pauvres plantations qui se trouvèrent sur son passage furent balayées en quelques instants. Néanmoins Alison trouvait ce geste particulièrement drôle à exécuter et elle mit sans dessus dessous une bonne partie du jardin. Voilà donc notre jeune dissipée couverte de terre, tenant dans ses mains l'arme du crime et observant son œuvre avec un sourire satisfait. Peut être même qu'elle pouvait faire pousser des fleurs toute seule se dit-il alors que se mit à chercher des graines. Elle sautilla alors entre les plantes vertes restantes à la recherche d'un de ces ronds qui faisaient sortir de terre des tiges comme par magie. Et tandis qu'elle trifouillait dans un coin des affaires, elle entendit des bruits de pas, une chose approchait dangereusement dans son dos. Effrayée par tous les camarades qu'elle avait pu voir en seulement quelques jours, Alison avait développée une sorte de paranoïa envers ceux-ci. Elle se retourna donc d'un bond et menaça de son râteaux à trois crochets l'inconnu qui avait voulu lui faire du mal. Mais tout compte fait, l'humain qui se tenait devant elle n'avait là rien de très effrayant. Elle l'avait même déjà croisé. C'était un drôle de garçon qui marchait toujours en souriant, même quand d'autres le bousculaient. Il lui tendit une fleur qui, comme si elle était fatiguée, penchait sur le côté, à tel point qu'elle touchait presque le bout de sa tige avec sa tête. Alison regarda le jeune homme en papillonnant des yeux, d'un air curieux. Elle n'avait pas entièrement compris sa phrase, peut être qu'il parlait une langue étrangère. « Fleur » avait-il dit, aussi elle jeta à un œil à celle-ci puis pencha la tête d'un air navré.

« C'est gentil mais à présent elle est malheureuse puisque tu l'as arrachée à la terre. Je crois même qu'elle est morte... regarde sa tête. On devrait l'enterrer ! »

Un ravissant sourire naquit sur ses fines lèvres alors qu'elle s'emparait de la plante dite morte. La sonnerie signifiant la reprise des cours retentit mais Alison ne s'en soucia guère. Elle n'avait toujours pas compris le sens de cette espèce cloche et de toute façon elle avait en tête de faire des funérailles à la petite marguerite. Elle ne s'en rendait pas compte mais cela voulait dire qu'elle serait une nouvelle fois punie. Pour avoir été absente ainsi que pour avoir ravagé les jardins d'ailleurs. Le pire était qu'elle entraînait sans le vouloir ce pauvre garçon qui n'avait rien demandé à personne. Quoiqu'il en soit elle creusa un trou énorme au milieu des vestiges du jardin et y déposa délicatement la fleur. Elle reboucha ensuite le trou et arracha plusieurs de ses congénères pour servir de décoration. (tant qu'elles étaient dans la terre elles vivaient voyez-vous) Pour finir elle attrapa finalement la main du jeune homme puis l'incita –l'obligea un peu pour dire vrai– à s'agenouiller avec elle devant la tombe de fortune. Et c'est d'une mine attristée, presque larmoyante qu'elle ouvrit la bouche.

« Il faut prononcer quelques mot pour son repos éternel. Jeune marguerite, tu nous as quitté trop tôt et... Peut être que tu veux commencer ? Tu la connaissais mieux que moi après tout ! »

Un nouveau sourie fleurit à nouveau sur son visage, comme si elle était capable de changer d'émotion en une fraction de seconde. Alison tourna la tête vers l'ancien propriétaire de la défunte et plongea son regard dans le sien d'un air insistant, limite exigeant à vrai dire. Visiblement elle tenait beaucoup à cette petite cérémonie improvisée on aurait même pu croire que la personne dans la pseudo tombe était quelqu'un de sa famille. Ah oui c'était vraiment excitant pour elle, c'était la première fois qu'elle assistait à en enterrement et qu'elle était à la fois le prêtre, le fossoyeur et le pleureur !