Qu’est-ce que tu fais princesse ? Tu sais parfaitement que tu n’as pas le droit de te trouver hors de ta chambre à cette heure-ci. C’est interdit. Forbidden. Verboten. Ouais, enfin tu ne peux pas te le permettre quoi. Surtout dans ton cas. Tu sais ce qui va t’arriver si tu te fais épingler ma cocotte ? Ils vont t’envoyer dans la salle d’entretien. Et ils vont te faire du mal, beaucoup de mal. Ils vont te faire crier, hurler, saigner. Payer. Ouais, en gros tu vas chier ta mémère en boîte de cassoulet et tu le sais parfaitement. Alors pourquoi tu t’obstines à faire ça ? Serais-tu masochiste ? Tu as quitté la pièce à pas de loup, laissant dans le lit un Aiden qui fait semblant de dormir. Il n’a bien évidemment pas proposé de t’accompagner. Il est très courageux ce garçon dis-moi. Ouais ouais je sais tu l’aimes et bla et bla, épargne-moi le laïus poupée. Moi je dis que c’est un trou-du-cul. Toi tu en penses ce que tu veux, on va pas recommencer à se disputer. De toute façon pour ce que j’en ai à faire de toi... Vas-y, sors, fais-toi choper. Je rirai bien.

Et tu te glisses dans le couloir, comme un fantôme parmi les ombres. Tu as décidé de commettre un délit de classe A, c’est-à-dire un délit mineur en ton sens : graffiti. Tu serres une craie rouge dans ta main fine et tu te diriges vers la chapelle. Sa porte en fait un très bon support. Alors que tu te diriges vers cet endroit, tu visualises déjà l’oeuvre que tu vas inscrire. Ce sera... Violent à défaut d’être beau. ‘‘Fuck Jesus’’. Classique, efficace, révolté. Que dire de plus à part que ton imagination est vraiment en grève ce soir ? Tu as fait bien mieux sans être une lumière à mon avis. Mais bon, pour un crime de classe équivalente à celle d’un novice, cela devrait suffire. Enfin tu y es. La porte en bois te tend ses battants vierges comme si elle t’invitait à la décorer. Ta main tremble quand tu la lèves pour y tracer le premier trait. Aurais-tu peur ? Tu serres et appuies le morceau de craie si fort contre le médium qu’il se casse en deux. Alors que tu te baisses pour ramasser le bout qui est tombé, tu entends des pas dans ton dos. Tu te mords la lèvre avec résignation et te retournes pour regarder la surveillante en face. Elle faisait sa ronde, tu t’es fait avoir. Je t’avais prévenue. Elle te prend par le bras avec violence, les morceaux rouges t’échappent et tu es obligée de les laisser derrière toi. Tu sais où elle t’emmène bien évidemment. La salle d’entretien. Et si elle ferme la porte et s’en va en t’y laissant seule - comme elle vient de le faire - ça veut dire qu’elle va laisser à Percy le loisir de te châtier.

Pourquoi t’as fait ça tout en sachant que ça se passerait comme ça ? Hein ? Oh... Vraiment ? Brillant... Je peux au moins te reconnaître le sens du sacrifice... Tu détestes être avec Percy en plus, mais puisqu’il le faut... La vie c’est la vie après tout n’est-ce pas ? C’est si peu à payer pour une douce vengeance. Oui douce, si douce... Exquise même. Tu entends des pas derrière la porte et tu appuies sur un bouton de la minuscule caméra que tu as accrochée à ton T-Shirt. Let the show begin.

Spoiler:

Il n’avait pas été seul à zigzaguer entre les couloirs, cette nuit-là. Il avait entendu le claquement d’une paire de ballerines lui parvenir de quelques tournants. Seule la publicitaire du centre avait le privilège de porter des talons. Les autres n’étaient que des putes. Une surveillante vint apparaitre au détour des escaliers et l’informa qu’on l’attendait en salle d’entretien. Pas de soucis. J’arrive. Percy ne dormait pas. Percy était le meilleur élément pour surprendre le chat qui rôde. Le pion de nuit par excellence. Sur le chemin, il passa par sa chambre, entreprit de récupérer du matériel et alla se plonger dans l’obscurité des sous-sols. Derrière les barreaux rouillés des cachots dormaient quelques adolescents, à même la pierre. Deux avaient les cuisses gentiment zébrés de traces encore coulantes de sang. Le verrou de la salle d’entretien grinça. Les gonds de la porte étaient complètement oxydés. Percy étira un sourire réjoui en reconnaissant la petite tête blonde.

Oh ! Scylla, mon cœur, tu vas bien ? Je me demandais justement quand tu reviendrais me rendre visite. T’as pas trop tardé. C’est cool.

Son regard planté sur les paramètres de son engin, il releva la tête sur la gamine. Dieu, qu’elle le méprisait ! Ses yeux l’insultait des noms les plus abjects que la langue puisse connaitre. Peut-être pire. Peut-être plus. Guilleret de ce nouveau tête-à-tête, son pas devint sautillant. Il entonna un morceau dont il ignorait les paroles pendant qu’il réglait les options de son caméscope numérique. Puis il s’arrêta et aborda ses activités, ce qu’il avait vécu ces derniers jours. Ca ne faisait pas une semaine, la dernière fois qu’ils s’étaient retrouvés dans cette chambre. Percy commençait à redouter la quotidienneté de leurs entretiens. Il n’aurait bientôt plus rien de novateur à faire passer à l’écran. Il posa la caméra sur une étagère instable et attrapa une paire de menottes. On savait ce qu’on y faisait, ici. Le staff laissait tous pleins de babioles plus ou moins utiles aux surveillants, par précaution ou par sadisme. Percy gardait les quelques stigmates de leur dernière entrevue. Scylla devait encore garder des lambeaux de son dos sous les ongles.

Cette fois, on fait les choses bien, tu veux.

Il s’approcha pour lui attraper le bras et mettre une lame sous sa gorge fine et fragile. Lui agripper le poignet, lui entraver les mains. Laisses-toi faire, ma puce. Fais pas attention à la caméra. Be natural. Silencieusement, il espérait sentir Scylla se débattre. Prendre son pied en admirant la gamine que tenterait de garder le semblant de dignité qui pouvait lui rester. Il souhaitait attendre encore un peu avant d’annoncer qu’elle serait la prochaine tête du monde de la pornographie. Grace à moi, tu vas devenir une star.

Spoiler:

Il est là. La porte s’ouvre dans un grincement à tuer les oreilles et le laisse apparaître. Tu ne parviens pas à réprimer un rictus haineux à sa vue. Sur son visage à lui s’étale un sourire malsain qui te le rend plus haïssable encore à tes yeux. De sa voix enjouée il te salue : « Oh ! Scylla, mon cœur, tu vas bien ? Je me demandais justement quand tu reviendrais me rendre visite. T’as pas trop tardé. C’est cool. ». Pour lui cette situation est des plus jouissives. Face à cette vilenie tu serres plus fort encore les dents et essaie de ne pas lui prêter attention. C’est pourtant dur de ne pas regarder le surveillant qui règle sa caméra. Un léger sourire amusé soulève les commissures de tes lèvres à l’idée qu’il n’en a pas besoin. Après tout, tu es déjà en train de le filmer, hein princesse ? Ah... Quelle joie ce sera de divulguer cette vidéo, de le voir enrager sans qu’il puisse rien faire à part essayer d’étouffer l’affaire. Ce qui ne servira évidemment à rien puisque le mal sera déjà fait. Ah petite vicieuse, ça te réjouit n’est-ce pas ? Obtenir ta vengeance, dusses-tu passer par la croix et la bannière pour en arriver à ce résultat. Pour te réconforter tu penses aux cicatrices qui doivent encore zébrer son dos. Tu t’étais cassé un ongle d’ailleurs en le griffant. C’est nul de se casser un ongle, ça ruine la manucure. Ca fait pas propre. Ici on ne peut pas se permettre d’être négligé.

« Cette fois, on fait les choses bien, tu veux. » Un peu tiens qu’on va les faire bien les choses. Bien nettes. La caméra est HD malgré sa taille ne l’oublions pas, ce serait une erreur. C’est beau la technologie introduite illégalement dans le pensionnat nan ? Très, pour une fois je suis d’accord avec ton crâne de piaf. Percy te plaque une lame effilée sous la gorge tout en te passant des menottes autour des poignets (surveillant multi-fonction FTW). Oh comme tu voudrais te débattre, comme tu voudrais crier, comme tu voudrais le frapper... Mais la menace omniprésente du couteau contre ta peau tendre te refroidit un tantinet. Et puis si tu veux que tout se passe comme tu le désires, il faut te montrer docile... Douce comme un agnelet. Tu aimerais déglutir pour te tempérer mais vu la proximité de l’arme avec ta jugulaire, tu préfères éviter de prendre un quelconque risque idiot. Rester en vie le plus longtemps serait une bonne idée si tu veux diffuser les images. Mais lorsque tu le sens éloigner la lame, tu lui craches au visage sans hésitation. Pan, dans sa gueule. Puis avec un ton goguenard tu lui lances : « Vous savez, j’ai bien vu vos petits manèges avec la blonde. » Un rictus moqueur apparaît chez toi. « Vous devriez arrêter de couver la petite Raphaëlle ça me donne envie de m’acharner encore plus sur elle que d’habitude. Pauvre petit cul-béni... » Typique de la bête acculée qui n’a plus rien à perdre... C’est ce que tu es n’est-ce pas ? Malgré ton attitude rebelle, ta voix assurée, ta défiance, ta réputation, tu suintes la peur par tous les pores de ta peau. Tu ne supportes pas quand il te touche...

Spoiler:

Acculée aux retranchements les plus succincts, Scylla continuait une lutte vaine et inepte. Petit et frêle animal sauvage, encore combatif pour ne pas se laisser glisser dans le primaire instinct de survie que le surveillant cherchait à réveiller. Rébellion psychologique qui excitait davantage les humeurs hilares de Percy, affairée par-dessus son bassin à maintenir tous les muscles bandants de l’adolescente entre ses doigts. Sa langue s’agitait d’une fébrilité joyeuse sur sa lèvre, fouillant sur la peau cicatrisée de la gamine ce qu’il restait de nerfs encore sensibles. S’attardait lorsque la réaction lui convenait et se frottait d'une tête féline contre sa joue une fois lassé. S’agitant comme un lombric entre ses genoux, il concéda à ceinturer ses bras le long du corps. La caresse du duvet transparent laissa entre ses paumes une sensation de douceur. Il grogna. Passa les ongles dans ses cheveux, achevant de défaire une coiffure déjà branlante. Il referma une puissante poigne sur quelques mèches blondes et tira à sentir le bulbe de chaque fibre se décoller de son crâne de petite anarchiste réfractaire.

Mais … Insatisfait, il s’anima d’une violente convulsion et senti dans son effort quelques cheveux s’arracher. Il voulait l’entendre crier. Juste crier et retenir ce hurlement de détresse par orgueil, encore. Charmante. Mais. Mais. Mais … Si tu mouillais, mon trésor, ça serait beaucoup moins drôle. Non ? Illustra-t-il d’une intrusion vicieuse sous les jupes de son épaisse robe de paysanne. Il insista et laissa son propre poids tomber sur Scylla, une léchouille s’attardant sur la veine de son cou. Non ?

Il claqua la mâchoire. Ses incisives s’enfoncèrent dans la chaire et le vampire aspira la perle. L’hémoglobine de Scylla passa sous la langue, entre ses molaires. Se mélangea d’un crachat hétérogène dans le fond de sa gorge puis fusa net sur les lèvres de la jeune fille. A charge de revanche, les voilà quittes. Refusant l’équivalence, Percy se redressa sur elle. La salle était quasiment vide. L’étagère le saluait de loin et le voyant rouge du caméscope lui rappela que la vidéo tournait encore. Ses pupilles redescendirent sur son visage d’enfant. D’une précaution minutieuse, son bras se souleva haut vers le plafond, le poing fermement serré, il l’assomma sec et souleva tout son corps endolori d’une exaltation nerveuse pour diriger son attention sur le vieux meuble. Dans son esprit tournait le blasphème de la gamine. « Fuck Jesus ». Petite salope sans éducation. Alors tendu jusqu’aux muscles de ses orteils, un air sifflé s’éleva en écho, distinctement inspiré d’un Schubert heureux, entendu par fortune depuis des murs trop fins. Percy passait ses mains entre les outils de torture généreusement mis à disposition des surveillants. Un clou. Deux clous. Il réfléchit. Quatre clous. L’acier des vis rouillait. Il attrapa la masse de fer avec et se retourna vers Scylla.

Fuck Jesus, hein ? Fuck. Jesus … Il hocha la tête et pouffa. Du bout de la chaussure il jugea de la solidité du parquet et s‘approcha de l’enfant, jouant du marteau entre ses phalanges. Restes par terre, te fatigues pas. Et puis retournes-toi, pendant qu’on y est. On va faire une petite expérience. Juste toi et moi et cette caméra, ma puce.

La crucifixion est le supplice réservé aux voleurs. Mais il sembla à Percy que son inspiration méritait d’être appuyée d’une telle démonstration.