Une publicité au hasard. Un papier trouvé entre deux poubelles. Une femme, assurément avec son fils et son mari vous sourient de leurs plus belles dents. Le tout dans un fond bleu, vert, lumineux. Tout est grotesque, on croirait une secte. Et pourtant, depuis peu ou longtemps, vous vivez dans l’angoisse, la peur. Rentré au foyer, ce sont les cris, les larmes et parfois même les coups. Votre propre enfant ne vous respecte plus et vivre avec lui en devient infernal. Vous gardez la publicité dans votre poche, discrètement. Regardez à gauche, à droite, méfiant, puis repartez. Il y a un site inscrit en bas à droite de la couverture.
Devant votre ordinateur, vous naviguez sur la page de St-Gregorian. Tout à l’air parfait. Blanc, rassurant. Quelques clichés du site. Un chalet en pleine campagne. Un clocher à des kilomètres du village le plus proche. Le cadre est idyllique. Difficile de penser qu’à son retour, votre enfant se sera transformé saint. Une sueur perle votre front. Il sait peut-être. S’il pouvait croire en Dieu. S’il pouvait se tourner vers Dieu. Oh, que ce serait formidable ! « Inscription ». Cliquez. Ça ne peut pas lui faire de mal. Vous remplissez le formulaire. « Cochez pour recevoir une aide à l'insertion de votre enfant. ». Vous cochez. Envoyez le formulaire plein. Dans quelques temps, on vous téléphonera. Le plan : Trainer le petit là-bas. Faire ses valises rapidement et l’y envoyer. Attendre, téléphoner si c’est possible. Et enfin retrouver un adolescent sage, obéissant et adorable, qui aura abandonné ses musiques sataniques et toutes ses drogues. Un rêve, un idéal. C’est trop beau, vous n’y croyez qu’à moitié. Cette larme unique laisse une trainée humide sur votre joue. Pathétique.

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St-Gregorian est l’Enfer des adolescents, le cauchemar des éducateurs compétents. Une immense abbaye entourée d’une alcôve boisée et dangereuse. Le personnel est horrible de sadisme. Le directeur n’est pas plus tendre. La nourriture est vomitive. Les sanctions plafonnent la torture corporelle et psychologique. L'Enfer. Et pour cause : Les adolescents accueillis sont considérés comme des cas sociaux. Des rebelles, des anticonformistes, des gosses qui font honte à leurs pauvres parents. Lesdits parents peuvent être de trempes différentes. Généralement de bons chrétiens qui ont vu leurs rejetons ouvrir leur cœur aux voies du Malin. Drogues, violence, sexe, … Ces enfants ne connaissent aucunes limites. St-Gregorian est là pour leur en donner. Lorsqu’ils arrivent ici, ils ont entre 16 et 18 ans. Ils y restent alors jusqu’à ce que l’administration décide que leur sincérité envers la religion est vraie. Aucun psychologue. Aucune étude. On les garde généralement jusqu’à leur majorité. Parfois plus. Puis on les case dans le centre. Cuisinier, agent d’entretien, professeur, surveillant, … Ou on les renvoie à leur parents.

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Nous sommes en 2012, Amérique. Une localisation inconnue. Perdus, sans doute, dans une limite frontalière près du Mexique. Les étés sont caniculaires, les hivers brûlants de gel. Alors que St-Gregorian accueille de plus en plus de jeunes délinquants, les méthodes utilisées face à l’insurrection juvénile sont contestées avec véhémence. Deux parents, catastrophés par l’état de leurs enfants à leur retour décident de mener leur indignation devant à un tribunal. La population hurle à l’inhumanité et au fanatisme. On fait des enquêtes mais rien n’est révélé aux médias, St-Gregorian s’en sort avec brio. « L’avocat du Diable », sobriquet amusant donné au défenseur de l'établissement. Douce ironie, il devra s’expliquer à une conférence pour calmer les esprits et les révoltes, toujours plus violentes chaque jour. Tous attendent impatiemment que les autorités religieuses supérieures dissolvent cette institution mais la Curie romaine se réserve de toute décision dite hâtive. On craint que le gouvernement et que le Saint-Siège ne soutiennent le monstrueux projet.